16 mai 2023
À chaque fois que nous goûtons un aliment, une véritable rencontre se produit, comme sur une application de rencontre : la connexion entre la nourriture et la saveur est comme une histoire d’amour.
Vous souvenez-vous, quand nous étions petits, nos parents nous laissaient goûter un peu de la crème au chocolat qu'ils avaient préparée pour garnir un gâteau ? Cette longue attente, à regarder les ingrédients se mélanger, changer de couleur et de texture au rythme d'un fouet, pour aboutir à un équilibre parfait entre densité et douceur, comme les instruments d'un orchestre, créant ensemble une mélodie inoubliable.
On dit que les premiers souvenirs des êtres vivants sont liés à la nourriture. De même que Marcel Proust n'avait besoin que de quelques miettes de madeleine trempées dans une tasse de thé fumant pour revivre son enfance et sa gourmandise chez sa tante, nos souvenirs sont imprégnés de saveurs capables d'influencer profondément notre personnalité.
Chaque fois que nous goûtons un aliment, une véritable correspondance se produit, comme sur une application de rencontre : aussi étrange que cela puisse paraître, le lien entre la nourriture et notre perception du goût s'apparente à une histoire d'amour. Chaque ingrédient est composé de nombreuses petites molécules qui, dans le chaos des autres ingrédients et d'autres molécules très similaires, sont attirées vers leur moitié parfaite, leur « âme sœur ». Scientifiquement définie comme une liaison récepteur-ligand, c'est le mécanisme par lequel la nature nous a donné la capacité d'identifier l'amertume, la distinguant du sucré, de l'acide ou du salé.
Lorsque cette liaison se produit, lorsque les molécules alimentaires trouvent leur correspondance parfaite, un message est envoyé à notre cerveau qui identifie immédiatement ce que nous mangeons et construit des souvenirs autour de cet aliment. L'évocation des saveurs constitue en effet la base psychologique de l'appétit, cette fameuse sensation d'appétence, et influence par conséquent notre bien-être psychologique.
Comme dans une véritable histoire d’amour, les souvenirs d’une bonne expérience culinaire, d’un plat que nous avons aimé, creusent des sillons dans notre cerveau, comme des rails, le long desquels voyagent les sensations qui précèdent la possibilité de goûter à nouveau ce plat, de revivre les mêmes émotions d’une première rencontre.
Les études sur la chimie des aliments sont innombrables. La relation entre le goût et l'odorat est une dynamique très intéressante et constamment étudiée. Gordon Shepherd, professeur au département de neurobiologie de Yale, soutient que les saveurs ne se trouvent pas dans les aliments, mais sont créées par notre cerveau, et plus précisément, principalement par notre système olfactif. Les molécules odorantes véhiculent l'information et stimulent nos récepteurs olfactifs, qui la transmettent au cerveau, qui la traduit en images. Cette connexion aux centres cognitifs supérieurs du cerveau est une propriété particulière de l'odorat, fondamentale pour l'expérience gustative. En matière d'alimentation, on peut affirmer sans hésiter que tout est une question de nez !
L'élégante alchimie qui régit la manière dont les ingrédients et les molécules olfactives se lient à leurs récepteurs est semblable à celle qui existe entre le scénario et la mise en scène dans une pièce de théâtre : le résultat positif est donné par le dynamisme parfait entre les plans, la musique et l'acte théâtral, tout comme dans un plat il est donné par l'équilibre des odeurs et des saveurs.
Et, comme pour une pièce magistralement montée, nous serons enclins à acheter un nouveau billet, nous ne renoncerons jamais à nous attarder quelques secondes de plus dans le souvenir de quelques miettes de Madeleine.